Soulagement après le démenti opposé à une éventuelle délocalisation du projet de l’université allemande au Maroc, alors qu’elle était prévue en Tunisie. En effet, une telle rumeur a mis le feu aux poudres et a provoqué un tollé général sur les réseaux sociaux. C’est que contrairement à nos élus qui nous rebattent les oreilles avec des propos virulents dont l’objectif est de dénigrer les établissements d’enseignement supérieur privés, les parents s’accrochent mordicus à envoyer leur progéniture étudier dans des universités privées à l’étranger ou à défaut en Tunisie. En effet, après plus de cinquante ans d’existence, penser que l’université tunisienne est en crise dénote l’euphémisme. Car, nonobstant les classements auxquels recourent les instances internationales, et qui mettent à la traîne des pays développés nos universités publiques, il n’est plus étonnant dès lors de découvrir qu’on patauge au bas de l’échelle des 500 premières universités dans le monde.
Loin de nous l’idée de nous lancer dans les ronces inextricables du jeu des expertises qui ont trop fait preuve de leur capacité de nuisance. Il n’en demeure pas moins important de s’interroger sur les raisons d’une « dérive » plus que préoccupante de notre université publique. Force est de reconnaître que depuis des années, nos institutions d’enseignement supérieur vivent dans un imbroglio inquiétant. Et comme première préoccupation, surgit l’éternelle litanie qui veut que le niveau de nos étudiants soit toujours en baisse.
Car, bien qu’elles parviennent à former une partie sans cesse grandissante des étudiants, les diplômes qu’elles leur délivrent ont une valeur de plus en plus incertaine dans le marché de l’emploi. C’est que sur le plan de la recherche, c’est une université qui perd chaque année davantage de terrain et enregistre de plus en plus la fuite des cerveaux à l’étranger. A cela s’ajoute le désarroi croissant de la communauté universitaire face à l’incertitude croissante sur les flux et sur les motivations des étudiants, dans une option d’enseignement de masse sous un déluge de réformes au nom de l’excellence. Un autre hiatus et non des moindres : les querelles des enseignants-chercheurs qui ne pensent uniquement qu’à eux et à leur carrière et qui manquent de sens du collectif, presque toujours dans l’ignorance absolue du devenir de leurs futurs diplômés.
Finis les temps où chacun jalousait le statut de l’universitaire auquel on aimait tant accéder. Kafkaïenne ou ubuesque, on hésite sur les qualificatifs, mais cette dégradation du statut des universitaires a plongé l’institution scientifique dans une crise du savoir. Le pari sur l’Homme, en tant que moyen et finalité des diverses facettes du processus de développement intégral que connaît le pays, figure en effet parmi les fondamentaux de l’approche humaniste de nos plans de développement. Cependant, en raison des défis qui se posent à l’université et des bouleversements ayant affecté les modes d’apprentissage et les ressources de connaissances, et étant donné l’émergence du marché international du savoir, les résultats des enquêtes effectuées ont montré l’absence d’harmonie et l’inadéquation de l’enseignement supérieur tunisien avec les besoins de l’économie nationale.
Conscients de la gravité de cette situation, plusieurs investisseurs privés ont appréhendé un nouveau créneau, celui de l’enseignement supérieur privé. Car même si l’investissement privé dans l’éducation est relativement récent, son potentiel trouve ses origines dans les richesses générées par cette activité qui vont bien au-delà des activités de la recherche et de la formation. C’est dans ce contexte que s’inscrit la libéralisation du secteur en Tunisie. Et c’est la raison pour laquelle l’idée d’une université allemande a été bien accueillis et défendue.